Terre ! | Cie La vie est courte
Comme une longue traversée des eaux saumâtres du théâtre
Terre !
C’est le cri que pousse le naufragé, le pirate, le marin à la vue d’un rivage attendu qui se dessine au loin.
C’est pour nous le même espoir que l’on croit voir venir à chaque plateau abordé, chaque rencontre avec un directeur de lieu, qui syncope de temps à autres la longue traversée de la mer insipide et polluée du théâtre actuel.
En y posant le pied, c’est aussi bien souvent la même médiocrité retrouvée à chaque escale et l’espérance déçue d’une nouvelle contrée d’où serait bannies la prétention sérieuse, la vanité des hommes « de culture » et la pauvreté créative.
« Terre ! », c’était, lors de sa création au Théâtre du Rond-Point, juste l’opportunité d’un pamphlet amusé et désabusé contre la suffisance grotesque des lieux institutionnels du théâtre, de celui là comme des autres, et de tous ceux qui aspirent à pouvoir délicieusement s’y gargariser d’une « audace joyeuse ! »
TERRE !
Texte et conception : David Noir
Une métaphore du théâtre à travers l’évocation du «Radeau de La Méduse»
« Terre ! » a été créé à l’invitation de Joël Dragutin dans le cadre d’un EAT qui lui a été consacré le 20 janvier 2004 au Théâtre du Rond-Point, dans une mise en espace de David Noir avec les membres de la Cie La Vie Est Courte:
Valérie Brancq / Sonia Codhant / Florence Médina / Marie Notte / Any Tournayre / Rémy Bardet / Jérôme Coulomb / Jean-Hugues Laleu / David Noir / Jean-François Rey / Philippe Savoir
La pièce a été rejouée en ouverture du festival Corps de Texte de la même année au Théâtre des 2 rives de Rouen.
Terre ! Terre !
Plateau en vue !
Tous grimpent sur un grand praticable à un mètre du sol.
Tous s’y installent comme sur un radeau, très compacts, regroupés
Tous regardent dans la même direction jusqu’à la première chanson.
Le groupe est de profil, orienté vers jardin.
Tout au long : libre improvisation des corps | Jeux sexuels et tendres.
Nous n’y pouvons poser le pied seigneur
Ce Théâtre est une Merde !
Et si vous m’en croyez, mon doux prince et ami,
Fuyez là son accueil.
Ne foulons pas la scène qui va nous engluer.
C’est un leurre à nos yeux, créé pour nous séduire.
Nous risquons l’enlis’ment.
Sa programmation pue.
Son public encroûté,
Jusqu’au cou d’excréments des auteurs qui sans cesse survolent son rivage.
Je vous en prie, Seigneur,
Quittons ces eaux fétides
D’où s’exhalent goûts de chiottes et mises en scènes de cul.
Il n’est plus désormais sur ces abords maudits
Ni amour, ni bonté, ni sincérité même.
Des plaquettes à la com qui les conçut dans l’ombre,
De l’administration
Aux âmes désœuvrées des secrétaires mornes.
Tout n’est plus que tromp’rie et fausses apparences
Et les miroitements de ses fastes ternis
Ne sont que pauvres restes d’une passion flétrie.
Terre ! (Extrait) © David Noir | 2005