Les Innocents | Cie La vie est courte
Après « Les Puritains » et « Les Justes », la compagnie La Vie est Courte et Pulsion Entreprise présentent la dernière création de David Noir
16 à nez noir
Texte, mise en scène, bande son et montages vidéo
-David Noir
Musiques originales: Jérôme Coulomb, Pascal Groleau, Clément Mathieu
Affiche originale: Philipe Savoir
Photos: Karine Lhémon
Des enfants fantômes aux nez noirs comme ceux des koalas forment le nouveau zoo humain. On s’y touche et s’y fait toucher en un gang bang d’orangs-outangs pas dégoûtang. Vous pourrez joindre vos corps à nos chairs mêlées, nus si vous voulez comme à l’aube d’une humanité en transports dans des trains noirs et blancs, fantômes également, vers les camps des débris de nos nuits, quand on était petit.
Distribution à la création
Valérie BRANCQ
Sonia CODHANT
Angéla LAURIER
Florence MÉDINA
Marie NOTTE
Marie PIÉMONTÈSE
Any TOURNAYRE
Rémy BARDET
Jérôme COULOMB
Pascal GROLEAU
Jean-Hugues LALEU
Jacques MEYSTRE
David NOIR
Pierre NOTTE
Jean-François REY
Philippe SAVOIR
LES INNOCENTS / Parcours
Création à Dieppe Scène Nationale (DSN) le 14 mars 2003
dans le cadre de la manifestation Nuit Rouge – Festival VISU
DSN, Quai Brétigny, 76200 Dieppe – direction Jérôme Lecardeur
23 mai 2003
Théâtre des Deux Rives, Rouen
Centre de Création Dramatique Régional de Haute Normandie
Théâtre des Deux Rives, 48 rue Louis Ricard, 76000 Rouen – direction Alain Bézu
Avignon 2003 | Avignon 2004
Festival Off – Pulsion Théâtre
Pulsion Théâtre, 56 rue du rempart Saint-Lazare, Avignon 86000
direction Maria Ducceschi
7, 8, 9, 10, 11 mars 2004
La Comédia
2, impasse Lamier 75011 Paris
24, 25, 30 janvier 2005
Le Hublot | Festival « Décapages »
87 rue Félix Faure 92700 Colombes
LES INNOCENTS
Le clown blanc est-il fait pour la lingerie fine ?
Les koalaz sont des Klownz à l’état sauvage qui grimpent aux chapiteaux. Dissertez.
La poste, c’est la barbe. Qui veut coller mon timbre avec sa chatte ? Le propos est-il cohérent ? Commentez : Y-a-t-il une dame ici qui veuille bien coller mon timbre avec sa chatte ?
Ribes t’as une grosse tête !
Rond-point, rond-point !
Ribes t’as une grosse tête !
On est tous des négros, on est tous des…
négros !
Il n’ y a pas de place pour les touristes dans ce voyage au pays des Noirs.Époque oblige bien qu’elle s’en défende, je propose de repartir pour les merveilleux horizons de la colonisation qui nous fait plus ou moins honte aujourd’hui mais qui exaltait la foule aux temps des expositions universelles. Et plutôt que de vous inviter à « Merveilles du Monde », nous plongerons et entraîneront notre public bananier vers la puissance de notre négritude blanche en quête de laquelle moi et mes acolytes nous nous sommes mis.« Du corps, du nu, du tribal de petit blanc et une proximité avec le spectateur que vous n’auriez jamais imaginé ! »Un sentiment d’Océanie, et de rêve d’aventures passéistes au cœur du royaume de l’intimité blanche déballée en salle et sur le plateau au travers d’un de ses ornements les plus convoités: le lit.Travers sein, oreille et couettes et polochon seront nos totems et nos idoles.
On croirait des pénitents – en bures, chemises de nuit blanches – tout est blanc sauf les nez, noirs, et le reste … les corps, les poils, ce qui fait nous, eux ; ce sont des acteurs, des actrices. Leurs corps sont nus sous les bures blanches.
Ça fait l’amour ou ça fait semblant ; ça fait ce que ça veut sur le plateau ; ce n’est pas si important. Ce sont des acteurs, des actrices, au fond, en avant, et jusque dans la salle.
On dévoile nos corps sans y penser vraiment. On pense plutôt au désir latent, au viol ; aux viols possibles, de vous, de nous, entre vous et nous. Ça rôde. Tous les viols ; ceux auxquels on crie, ceux dont on rit. Petits viols des cœurs ; certains laissent une marque là, comme celle du pouce sur la pâte à modeler, sur la poire en caoutchouc qui a du mal à revenir à sa forme primitive – Parfois de la musique, souvent des textes susurrés aux micros, une petite jungle de mots ; le bush australien le temps d’un rêve aborigène.
Des chants, encore du texte et des danses, le tout parfois volontairement avorté. Du texte toujours, et un fossé de draps de coton blancs entre vous et moi, entre nous et vous.
Nous sommes au Théâtre. Un Théâtre entièrement branlé à la main, une mécanique d’un plaisir douloureux, honteux.
Comme l’onanisme des enfants, le théâtre au fond reste honteux ; se fait dans le noir, seul, dans sa chambre. Après on peut en parler, le montrer, l’exhiber, mais c’est comme ça qu’il est fait, par un individu seul un peu enfantin, dans sa chambre. Il s’agit donc d’une succession de scènes X dans une chambre à coucher Y pour des spectateurs lambda par un grand cirque de klownz et de koalaz mêlés, avec des Z. On y rencontre des klownz blancs et des augustes, des klownz fiers et hautains, sûrs de leur coup, toujours tous sur le coup, souvent allongés, couchés les uns liés aux autres et les uns sur les autres dans des lits blancs moelleux, sortes de poches ouatés remplies de duvet blanc où ils rêvent qu’ils peuvent de nouveau sucer leur pouce et enfin ceux des autres.
Comment les clowns font-ils l’amour ? Qu’est-ce que ça fait de découvrir qu’on a une bite de clown, ou une petite moule en forme de bouche ou une bouche en forme de petite moule qui parle, formée de deux petites lèvres horizontales et surmontée d’une grosse boule noire, petit mont duveteux et foncé, d’un gros nez noir comme le chapeau d’une religieuse au chocolat.
Ce sont des grands enfants, de gros enfants, des enfants poilus avec leurs vieux corps d’adultenfant coulés dans la toile, dans la bure écrue qui leur fait mal, où le bas blesse, où ils s’enfoncent et s’entortillent pour venir réfugier leurs caresses.
Avec une lenteur ovarienne de koalas, nous grimpons, irréels, les visages abasourdis par la vie, alourdis de ces grands pifs noirs et tombants, surréalistes comme un faciès de nasique. Sortes de singes en costume d’ours factices qui tout à coup s’animeraient. Si lents, si lents, descendant et montant de leurs eucalyptus comme on va à la messe. Un accouchement marsupial, sans violence, sans trauma selon le mouvement de l’aï- mot croisé en 2 lettres – nous grimpons lentement, vitalement à ces traversins suspendus, puis redescendent nos pieds nus sur l’invisible moquette de poils blancs. 2×16 pieds ; 32 pieds x 5 orteils, 160 orteils du plus gros jusqu’au plus petit et ainsi de suite, tous face à vous. Du corps humain débité en grand nombre et défilant, comme dans les parade de cirque ; un cirque blanc porteur d’un son blanc comme la voix fatiguée des enfants, presque aphones, enroués de n’avoir pourtant jamais fumé la moindre cigarette. Le Grand Nombre ; tant de bites, tant de seins, tant de fentes et tant de poils de chatte, tant de fesses, tant de doigts, tant de lèvres, cils et sourcils, tant de culs visibles ou invisibles, hors des bures, sous les bures de ces nouveaux fols en christ, moinillons à poil au sein de nos contemporains. À l’heure de la tétée, une lente cohorte de pénitents avide de religion dépressive et clownesque et tragique se met en branle – Ces années noires, l’enfance, l’adolescence, la collaboration – Sur des musiques, beaucoup de musiques, et des paroles et des sons ; une parade fantôme pour une vie qui n’existe plus que dans nos tête fœtales.
Arriverons nous à faire bander, ne serait-ce qu’à éveiller ce grand corps d’acteurs, de spectateurs, et dans cet encéphale commun créer la persistance rétinienne, auditive d’un érotisme lymphatique, comme la marque indélébile d’un éphémère qui nous rendit la vie plus douce paraîtrait-il ? Le théâtre ne serait-il que ça pour nous ? Sonnerait-il l’heure chaque soir d’un endormissement bienheureux ?
Et puis encore au fond, parfois devant, un puzzle d’images sans cesse renouvelées au rythme d’un diaporama vidéo, images de rêves holographiques ; celles des innombrables chambres d’enfants, dortoirs de pensionnats anglais, de lits défaits. Les jeux des mots dansent dans les têtes, tours d’écrou innocents, petites vrilles faîtes aux cerveaux par endroits – la couronne des pines – l’arbre à came- la coulée d’une drogue blanche, laiteuse, endormante et solitaire, engloutissant les images chaotiques et colorées d’un monde médiatisé.
Quand enfin tout le monde est couché, s’immisce peut-être une certaine paix. C’est alors que survient la sonorité légère, suave et lointaine d’un corps d’enfant qui se fait jouir, en désespoir de cause.